Qu'et-ce que le Métavers ou Metaverse ?
Comment ça s'écrit ? Flottements linguistiques autour des notions de Métavers ou Metaverse
Notez déjà qu'il n'ya toujours pas de validation dans la manière d'écrire et de prononcer ce mot : Metavers ou Metaverse ? Avec ou sens accent ? Ces ambiguïtés linguistiques démontrent au moins deux aspects :
l'influence de l'anglais sur la langue française : on parle bien de "multivers" par exemple, en français, calqué sur le mot "univers". En anglais on prononce / écrit bien "metaverse" sans accent ;
le flou artistique qui entoure la notion de Metaverse : les flottements qui résident autour de la stabilité du mot renvoie à l'ambiguïté du concept. Pour le dire de manière plus linguistique, le signifiant (mot) instable renvoie à un signifié (concept) instable également.
Un définition possible
Le terme "méta" provient du grec μετά qui signifie « au-delà, après ». De manière figuré, cela désigne ce qui se situe "au-dessus", ou "prise de hauteur" par rapport à un sujet. Comme un métadiscours par exemple, qui vient commenter son propre discours, ou comme la métaphysique science au-dessus de la science. On peut donc dire que le metavers c'est un autre monde, un monde parallèle, une couche qui s'ajoute à la réalité. Intéressant de constater que la notion de "méta" renvoie également à un principe de changement. Le Metaverse modifie donc notre rapport au réel...
Metaverse ou réalité virtuelle ?
Vraisemblablement le Metaverse sera immersif. On peut conjuguer le verbe au futur puisque la notion et les pratiques ne sont pas encore stabilisées. Facebook n'a pas encore lancé officiellement sa version grand public. En France, l'un des univers les plus évoqués reste The Sandbox, à l'origine un univers de jeu.
On peut donc prévoir un univers immersif, peut-être à l'aide d'accessoires, qui nous permettront d'incarner des Avatars, inspirés par l'univers du jeu (ou "Gaming").
Demain, le Metaverse un lieu standardisé et conforme ou un lieu de désobéissance civile ?
Des comportements humains avant tout... pour le meilleur et pour le pire
Toute la difficulté d'un Metaverse réussit réside dans l'équilibre des forces : être assez attractif et disruptif pour capter l'attention (versus la monotonie) ET offrir un espace suffisamment sécurisé pour se sentir psychologiquement à l'abri. Dit autrement, permettre aux utilisateurs de s'amuser, voire de se lâcher, tout en limitant les propos haineux, les attouchements sexuels, la pédophilie, etc. Tous ces problèmes soulèvent des enjeux de modération importants qui ne sont pas vraiment résolus à l'heure actuelle. Certes, il existe des fonctions "mute" pour rendre un Avatar silencieux, vous pouvez également vous créer une "Safety Bubble" pour vous mettre en sécurité, mais la question de fond n'est pas posée. Qui va être "le maître" de ces enjeux de modération ? De qui le puissant roi algorithme va-t-il dépendre ?
L'Avatar comme lieu du Moi idéalisé
En tous les cas, vous le comprenez, les enjeux de la "vraie" vie vont également se poser dans la réalité virtuelle. Autrement dit, le Metaverse est à la fois un lieu :
de réalisations fantasmatiques et de projections : on peut être qui l'on veut, homme ou femme, petit ou grand ;
de rencontres : tous les symboles de la représentation du Soi vont être convoqués. C'est le nerf de la guerre pour les marques qui ont bien compris que les Avatars sont le prolongement du Soi : on les veut plutôt beaux et attractifs ;
de compromis : on ne pourra pas faire tout et n'importe quoi, il y aura malgré tout des normes à respecter ;
de réalités et de vécu : les émotions que nous y vivront seront bien réelles pour nous ;
d'inégalités : vraisemblablement, les inégalités du monde réel s'importeront dans le Metaverse, en termes de comportements (les avatars féminins font l'objet de plus d'attaques sexuelles), et économiques (tout le monde ne pourra pas s'y payer les mêmes choses) ;
L'effet Proteus ou les mêmes cons en virtuel
Je partage avec vous cet extrait de mon futur ouvrage à sortir en mars 2023. J'y parle de l'effet Proteus :
Voici le joli petit nom donné à un effet bien réel. Certains comportements humains de joueurs en ligne semblent orientés par les caractéristiques de leurs avatars. C’est l’effet Proteus. A l’université de Stanford, on s’est rendus compte que plus les avatars de certains joueurs étaient beaux, plus ces derniers devenaient intimes plus facilement avec des étrangers. De même, plus les avatars choisis étaient petits en taille, moins les joueurs montraient de la confiance en eux. Ils ont eu tendance à accepter davantage des deals désavantageux pour eux. Ces comportements ont, moins récemment, pu être observés avec les voitures. Les conducteurs de voiture rouge ont tendance à aller plus vite. Cet aspect chromatique est d’ailleurs pris en compte par les assureurs… Ce n’est pas pour rien qu’ils vous posent la question. De manière générale, on peut affirmer que toutes ces possessions (voiture, avatars, maison, animaux de compagnie…) sont vécus comme le prolongement de l’identité de leur possesseur. C’est fascinant d’un point de vue anthropologique. Nous investissons d’un capital symbolique les espaces, objets et êtres qui se situent sur notre territoire. Et nos représentations de nous-mêmes, qu’elles soient virtuelles ou réelles, nous influencent. Vous l’avez donc compris : on retrouve les mêmes comportements et les mêmes conditionnement dans le monde réel et dans le Métavers. De manière peut-être un peu plus désinhibées que dans la vie quotidienne réelle. Comme on l’observe sur les réseaux sociaux, l’écran nous permet de nous « lâcher ». Vecteur d’émotions, mais aussi de perversités accentuées, les réseaux sociaux ne valorisent pas toujours la plus belle facette de l’humanité. Le Metavers, c’est nous en accentué, en plus cool, plus ému; plus énervé aussi, voire plus pervers pour certains aussi. En 2021, pour la première fois un cas d’harcèlement et d’attouchement a été relevé. C’est une utilisatrice d’Horizon Worlds, plateforme de Meta, qui a dénoncé ces faits. Il s’agissait de la version Bêta, mais cela en dit long sur les potentielles dérives à venir. Le témoignage est le suivant : « « Non seulement j’ai été tripotée hier soir, mais il y avait d’autres personnes présentes qui soutenaient ce comportement, ce qui m’a fait me sentir isolée. » En réponse, la société a crée une « safe zone ». Car il n’est pas pour l’instant de punir, ni même éduquer, les utilisateurs en cas d’abouchements sexuel. L’utilisateur peut seulement se retirer dans cette zone de protection qui lui permet, apparemment, de gagner de l’espace. En somme, on retrouve les mêmes comportements de connards dans le digital !
Demain, la désobéissance civile s'organisera-t-elle dans le Métaverse ?
Question que je laisse ouverte à votre sagacité. Michael Stora, psychologue spécialisé dans l'univers du Gaming, me rappelait que dans Second Life, des militants écologistes avaient bloqué un lieu qui ressemblait fort à un MCDonald's, empêchant ainsi d'autres avatars de rentrer dans cet endroit. On peut tout à fait imaginer que, demain, les rebellions et autres phénomènes de contestation, prennent une ampleur encore beaucoup plus importantes dans le Metaverse. Après tout, la curiosité et la désobéissance ne sont-elles pas les deux caractéristiques les plus fondamentales dans l'évolution de l'espèce Homo Sapiens ?
Digitalisation des rapports humains : quels enjeux pour l'Intelligence Artificielle ?
Bienvenue en post-modernité
Le digital pose la question des tribus, telle que la développe le sociologue Michel Maffesoli. Demain, allons-nous développer des tribus dans le Metaverse ? Organisées autour de croyances, les individus seront peut-être même pluri-tribus... Phénomène fort intéressant à vivre. Le digital serait alors l'occasion de générer un lien social, bien que virtuel. Je précise d'ailleurs que les révoltes actuelles utilisent souvent dans les réseaux sociaux : pensez aux Gilets Jaunes en France ou bien actuellement à la révolution iranienne. Le Metaverse n'est donc pas seulement un lieu "froid" où chaque avatar évolue de manière individuelle.
Jean Baudrillard, autre penseur de la post-modernité, était visionnaire : il a établi la notion de simulation comme ayant un impact sur le réel.
« Dissimuler est feindre de ne pas avoir ce qu’on a. Simuler est feindre d’avoir ce qu’on n’a pas. […] Feindre, ou dissimuler, laissent intact le principe de réalité : la différence est toujours claire, elle n’est que masquée. Tandis que la simulation remet en cause la différence du vrai et du faux, du réel et de l’imaginaire » (Simulacres et Simulation).
Dit autrement, l'enjeu actuel ne se situe plus selon des codes de la Modernité autour du Vrai et du Faux, mais bien sur la porosité entre le Réel et l'Imaginaire.
Typologie et enjeux de l'Intelligence Artificielle
Peut-on établir une typologie de l'intelligence artificielle ? Je me prête au jeux...
Un 1er niveau reptilien, celui qui consiste à capter l'attention : panneaux publicitaires animés, nudité, nourriture, tout cela mobilise notre attention, parfois de manière non consciente ;
Un 2nd niveau où l'IA modifie nos comportements et notre posture corporelle : le corps s'adapte à la technologie, le dos se voûte pour regarder le téléphone, etc.
Un 3e niveau plus émotionnel avec une IA capable de détecter les émotions. Pas si au point que cela actuellement.. mais cela arrive petit à petit ;
Enfin, une IA davantage philosophique, capable d'autonomie avec un métadiscours, avec une conscience. Voir la série The West World qui évoque la pensée bicamérale.
Je vous laisse retrouver cette vidéo sous la forme d'une interview "Demain, nos comportements dans le Metaverse ou l'impact du digital dans nos vies" :
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